Témoignage: Je suis Madisone

Elle a hésité avant de témoigner Madisone (Oui, avec un “e”). Finalement, elle a accepté. C’est tout à son honneur puisqu’elle inaugure une nouvelle rubrique de ce site. Celle des témoignages. Comment vivre avec le fait d’avoir un prénom unique ? Notre Officionada se livre sans concession.

Sais-tu pourquoi tu portes ce prénom ?

Comme beaucoup de jeunes adultes de ma génération, j’ai le bonheur (?) de porter un prénom américain pioché directement dans le générique de fin d’une série des années 80-90 : Madisone. Avec un E s’il vous plaît, pour la touche féminine. Ce qui n’était peut-être pas une mauvaise idée à la base, quand on sait que Madison était initialement un prénom masculin et qu’il signifie “fils de Maud”. Même si l’idéal aurait été de choisir un autre prénom…

“J’ai le bonheur (?) de porter un prénom américain pioché directement dans le générique de fin d’une série des années 80-90.”

Tu regrettes ce choix de tes parents ? 

Porter ce prénom est lassant au quotidien. Je dois systématiquement l’épeler, au risque de me voir renommée “Madison” (ce qui est normal), “Madyson”, “Madisson” ou “Maddyssonne”. Bon, je n’ai encore jamais vu le dernier cas de figure mais sait-on jamais. C’est l’un de ces prénoms que les gens ne savent jamais comment écrire. Même mon médecin de famille qui me connaît pourtant depuis toujours écorche encore mon prénom. Outre le fait que je dois toujours l’épeler, les regards compatissants de certaines personnes et notamment de professeurs à l’annonce de mon prénom m’ont toujours fait un peu mal. Un peu comme pour me dire, “c’est pas grave”. Merci.

Ashley Madison est un site de rencontres extra-conjugales.

Tu l’aimes ce prénom ?

Je pense être passée par toutes les phases : de la fierté d’être unyk à l’acceptation, en passant par le déni. Petite, j’étais fière d’être seule en classe quand il y avait trois Julie et trois Sandy et qu’on les différenciait par leur nom de famille. Puis j’ai pris conscience que mon prénom était loin d’être socialement neutre, et je l’ai détesté. Et puis, souffrant d’un handicap physique, j’avais l’impression que mon prénom me rendait encore plus différente et bizarre. Finalement, j’ai accepté le fait qu’on ne choisit pas son prénom. J’ai déjà pensé à le changer, mais je ne le ferai pas. Je ne l’aime pas particulièrement, mais disons je ne le déteste plus. D’autant plus qu’il ne m’a encore jamais mis de barrières, bien que ça ne fasse pas sérieux du tout sur un CV et que ça n’aille pas avec mon nom de famille plus franchouillard.

“J’ai pris conscience que mon prénom était loin d’être socialement neutre, et je l’ai détesté.”

Le Madison square garden, salle new-yorkaise mythique.

C’est un sujet qui te passionne, les prénoms ?

Depuis l’époque où je détestais mon prénom, je m’intéresse beaucoup à leur sociologie et j’adore fouiller les arbres généalogiques à la recherche de prénoms anciens et oubliés, puis ça me permet de voir aussi comment les modes ont évolué à travers les siècles. C’est un sujet qui me passionne vraiment, du coup je fonds en larmes et je vomis chaque fois que je parcours les pages de la Ligue ou de Baybee (mais j’adore ça). C’est aussi pour ça que si j’ai des enfants, ils ne s’appelleront ni Tômy-Kenzheau ni Kélyännah. Ils auront des prénoms normaux, qui existent, et sans faute d’orthographe.

Le Madison ou course à l’américaine est une des épreuves du cyclisme sur piste.

C’est dur de s’appeler Madisone en 2015 ?

Pour conclure, je dirais que je ne le vis pas trop mal. Plus maintenant en tout cas. Néanmoins je crois que mon plus grand regret sera de ne jamais avoir eu d’objet personnalisé avec mon prénom dessus lorsque j’étais enfant, quand tous les autres gamins en avaient. Ça peut paraître insignifiant mais ça vous crée des traumatismes ces choses-là (c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup). Bref, je sais que mon prénom n’est pas le pire mais malheureusement les petits Thyméhö ne sont pas encore en âge de venir témoigner, alors en attendant.

Sur la route de Madison (1995), avec Clint Eastwood et Meryl Streep.